01-08-2025
Pour le chef d'état-major des armées, d'ici à 2030, la Russie représentera «une réelle menace» pour l'Europe
Pour Thierry Burkhard, qui quittera ses fonctions le 1er septembre prochain, les méthodes militaires des Européens doivent évoluer et s'adapter au nouveau contexte.
Le chef d'État-major des armées (CEMA) se veut lucide. Selon lui, dans un conflit, le peuple russe survivra toujours «cinq minutes de plus que nous». Son expérience, ses effectifs massifs et sa capacité d'endurance font de l'armée russe un corps efficace... et donc dangereux. Thierry Burkhard estime que d'ici cinq ans, le pays pourra constituer «une réelle menace» pour l'Europe. À un mois de son départ, celui qui a été pendant quatre ans à la tête des forces armées françaises, a livré un état des lieux de la situation militaire européenne au journal britannique The Economist .
Alors que la guerre fait rage en Ukraine depuis 2022, le Kremlin ne cesse de développer son arsenal et a clairement réorienté son économie sur l'effort de guerre. Très récemment, le chef du renseignement militaire ukrainien Kirill Boudanov, affirmait que la Russie prévoyait de dépenser près de 1100 milliards de dollars (950 milliars d'euros) d'ici à 2026 dans la perspective... «d'une guerre à grande échelle». Le pays actuellement dirigé par Vladimir Poutine fait donc partie des adversaires les plus redoutables de ces prochaines années.
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Face à cette menace qu'il reconnaît, le chef d'État-Major a exprimé quelques motifs d'espoirs pour les Européens : non seulement, selon lui, les États-Unis ne quitteront pas l'Europe mais le développement des liens bilatéraux entre la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne représenteront, à l'avenir, un levier de puissance. Thierry Burkard affirme d'ailleurs que cette alliance qui se renforce ces derniers mois pourrait être «le pilier européen de l'OTAN».
«On ne gagnera pas la guerre avec des Ferrari»
Sur le plan purement militaire, les champs de bataille évoluent et les méthodes guerrières doivent également s'adapter. En Ukraine, les combattants peuvent «voir derrière chaque buisson» décrit-il, c'est-à-dire que le terrain est dégagé. En conséquence, les armes de haute technologie, comme les missiles de croisière SCALP, sont cruciales pour surprendre l'adversaire. Toutefois, elles sont coûteuses et doivent s'accompagner de munitions bon marché visant, elles, à épuiser l'ennemi. Le général résume d'une formule : «On ne gagnera pas la guerre avec des Ferrari.»
Au-delà du matériel, la tactique et l'organisation ne doivent pas être négligées. Si les toutes les armées disposent aujourd'hui de drones, les plus performantes seront celles qui sauront les combiner «sur terre, dans les airs et sur mer». Après toutes ces préconisations, Burkhard admet que si la France devait être réellement menacée par la Russie, «ce ne serait pas une question d'armes conventionnelles, mais une question de dissuasion nucléaire». Toutefois, bien qu'Emmanuel Macron ait dit ces derniers mois vouloir se coordonner davantage avec le Royaume-Uni sur ce volet, le CEMA coupe court aux fantasmes : les deux forces nucléaires resteront indépendantes.
Le 1er septembre prochain, le général Thierry Burkhard cédera sa place au général d'armée aérienne, Fabien Mandon. Depuis 2023, ce dernier était l'un des conseillers très spéciaux du président de la République, en sa qualité de chef d'état-major particulier (CEMP). Son rôle était d'aider Emmanuel Macron dans sa compréhension des enjeux internationaux et de l'aiguiller dans certaines prises de décisions diplomatiques. Cet aviateur prendra la tête de l'armée française dans un moment de très hautes tensions internationales...